Témoignage : construire un réseau de partenaires en cocertification
La création d’un réseau de partenaires revêt en soi, une série de questions importantes que doit se poser, en amont, tout organisme certificateur, avant de se lancer. Mais qu’en est-il s’il n’est pas le seul capitaine à bord ?
Francine Coullet, ancienne pilote de ligne, est fondatrice de l’organisme de formation France Survol. Alliée avec Drone Expertise Centre pour créer l’organisme certificateur Formations Drone (OCFD), ils ont obtenu en 2021 une certification enregistrée au Registre Spécifique, dédiée au télépilotage de drones civils et à la captation des données par drone. Unique certification en la matière pour un besoin en compétences croissant dans les secteurs du BTP, de l’agriculture, d’inspections indoor ou encore de cas d’usages insoupçonnés, il est paru évident pour Francine qu’il fallait développer un réseau de partenaires. Après deux ans d’usage de la certification, OCFD a habilité en 2023 un premier partenaire précieux et se trouve à présent en pourparlers avec deux CFA.
Que vous soyez co-certificateur, seul organisme certificateur ou organisme de formation potentiel partenaire, cet article vous apportera de précieux conseils pour votre développement. Vous découvrirez le formidable processus décisionnel de Francine, le « FORDEC », mais également les avantages et les inconvénients d’être deux lorsque l’on rencontre les potentiels partenaires.
Bonne lecture !
Interview
Quatre & Associés : Bonjour Francine, avant de parler du réseau de partenaires, pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre partenariat avec Drone Expertise Centre ? Pourquoi avez-vous choisi ce partenaire et comment qualifiez-vous votre partenariat ?
Francine C : Bonjour ! Oui bien sûr : après que l’idée de créer un organisme de formation ait germé en 2019, j’ai rapidement consulté les notes et Vademecum de France Compétences. Je les ai lues et relues, surligné certains paragraphes jusqu’à en rêver la nuit ! À chaque étape, je me suis interrogée « suis-je capable seule de répondre à ces critères ? Dans 90% des cas, je répondais NON. La cause était entendue : j’avais besoin d’un OF expert en photogrammétrie. Partenaire commercial ou cocertificateur ? Il nous a fallu deux ans pour comprendre les enjeux, les risques, les bénéfices, les obligations d’une telle association et de partager les mêmes points de vue, constamment remis à l’ouvrage. La décision de déposer le dossier en tant que cocertificateurs s’est faite au fil des échanges, de la construction du référentiel…
“Toute la période précédant le dépôt (2019-2021) a permis de se jauger, d’évaluer nos forces respectives, nos faiblesses, nos atouts et nos travers, nos penchants, nos inclinations propres, nos préférences et surtout, ce temps nous a permis de clarifier nos intentions partagées ou particulières avant de prendre une telle décision.”
Q&A : Vous avez privilégié le temps et la prudence pour choisir votre partenaire certificateur et aujourd’hui pour choisir vos partenaires habilités, ce n’est pas le cas pour tout le monde, quelles sont vos raisons ?
Francine C : Si la prudence est de mise dans chaque décision que je prends – certainement ma vie de pilote de ligne a marqué en moi ce grand principe – le temps du processus tient aux différentes situations que l’on rencontre jusqu’à la décision. Il est d’abord primordial de se poser la question « quelle est mon intention à associer mon OC à un partenaire ? » C’est déjà une question qui mérite que l’on s’y attarde. Ensuite, on répertorie toutes les bonnes et les mauvaises raisons… Je prends toutes mes décisions selon un FORDEC…
Q&A : Un FORDEC ? Qu’est-ce que c’est ?
Francine C : C’est un outil de décision formidable que je vous partage volontiers ! F comme « Faits ». On doit d’abord répertorier tous les faits attenants à la situation et la future décision. Lorsque l’on décide de voler ou non par exemple, on se demande s’il fait beau, s’il y a du vent ? Etc. Cela permet de bien distinguer les faits des émotions dans le processus décisionnel et ce discernement est déterminant. O comme « Options ». À partir des faits, on analyse les options. Il y en a souvent trois : Oui, Non, On suspend ou on reporte la décision. R comme « Risques ». On les évalue, certains nous permettent d’identifier des faits que l’on n’avait pas vus. Chaque décision est regardée à l’aune du rapport de cause à effet qu’elle déclenche et des conséquences qu’elle engendre. D comme « Décision ». La décision n’est pas un choix, c’est un acte que l’on pose à partir d’une analyse préalable et le choix existe toujours. E comme « Exécution », c’est la mise en place de l’action. C comme « Contrôle » et « Correction ». Le résultat de la décision est évalué par le Contrôle et des ajustements sont faits par la Correction. C’est ce qui garantit la dynamique itérative entre la décision et la marge de sécurité nécessaire pour qu’elle reste toujours la meilleure.
Q&A : Vous ne laissez passer aucun risque ?
Francine C : Mais la vie est risquée de toute manière, dès que l’on arrive sur cette planète ! C’est pour cela que le risque que l’on prend par nos décisions doit être raisonnable. Il doit par exemple respecter les cadres normatif, juridique et législatif dans lesquels se déploie l’action. On peut aussi se demander rapidement si le risque est Rentable. Avec ces deux R, vous évaluez facilement le troisième : « Raisonnable » !
La confiance et la prudence sont deux ingrédients d’une réussite solide et durable. Par exemple, ce n’est pas la personne contactée initialement qui aura porté le dossier au terme du renouvellement, car elle était prise par d’autres sujets avant de quitter la société. C’est une nouvelle personne avec qui j’ai collaboré et celle-ci disposait de toutes les qualifications nécessaires en termes d’ingénierie de formation et de certification.
“Il est important de faire confiance aux changements qui surviennent, même s’ils nous apparaissent dans un premier temps comme un frein au développement.”
Q&A : Quels sont les avantages que vous avez rencontrés en menant à deux la création de votre réseau de partenaires ?
Francine C : À chaque présentation, les interlocuteurs sont ravis de constater que nous gérons la certification à deux. D’abord ils peuvent préférer discuter avec l’un ou l’autre, pour une question de sensibilité et c’est tout à fait possible. Nos deux OC ont des sensibilités différentes et complémentaires, nous en sommes conscients et heureux, car ainsi nous sommes plus riches. Pour ma part, j’ai un parcours aéronautique et des formations en résidentiel. Drone Expertise Centre est dirigé par un homme de terrain, géomaticien de formation et propose de l’expertise géographique et des formations avec expertises métier.
Ensuite, cela assure une plus grande pérennité pour la certification en cas de défaillance de l’un ou de l’autre, à condition bien sûr que cette possibilité soit prévue dans la convention des cocertificateurs, ce qui est notre cas. Enfin, lorsque la synergie et la collaboration active font partie de la relation partenariale, la somme de 1+1 est supérieure à 2.
Par exemple, je pense que notre regroupement y est pour quelque chose dans l’habilitation de notre premier partenaire qui se trouve être d’une grande qualité. En effet, celui-ci a une double casquette, puisqu’il dirige le centre de formation et est également le président de la fédération des drones. Ce premier partenariat est précieux, car il nous assure un retour qualité et professionnel sur la certification.
Q&A : Quels sont les inconvénients ?
Francine C : Je parlerai d’abord des points de délicatesse. Par exemple, le rythme de travail doit être géré à deux et le respect des agendas des deux parties doit être toujours présent. Mais, in fine, si seul(e) on va plus vite, à deux, on va définitivement plus loin. Pour ma part, les points s’annonçant comme des inconvénients ou des obstacles se sont transformés en atouts : les processus sont plus lents, mais plus sûrs. Faire vivre la certification est essentiel et la dynamique de nos discussions nous facilite cela. À partir du moment où le partenariat est vertueux, la création du réseau de partenaires le sera. Je pense que les inconvénients peuvent survenir si la convention n’est pas correctement pensée au départ. Elle doit pouvoir être à la fois très rigoureuse et adaptable en cas de mésentente. Lorsque nous avons rédigé la nôtre, à chaque paragraphe de la convention, nous nous sommes demandé ce dont nous aurions besoin d’avoir comme marge alternative en cas de divergences voire de rupture. C’est un travail impératif, tout doit être prévu, le plus possible. Je vous renvoie au FORDEC pour effectuer ce travail !
Q&A : Que pensez-vous de la présence d’experts pour vous accompagner dans la création du réseau de partenaires, mais également dans le contrôle qualité de ces derniers ?
Francine C : Un mot : INDISPENSABLE.
Nous avons débuté seuls, entre cocertifiacteurs pour la première étape d’enregistrement de la certification en 2021. Le dossier de renouvellement a été porté par nos deux OC en 2023 et accepté en très grande partie par le jury de France Compétences, grâce à la mise en place de l’outil de gestion des partenaires et des candidats développé conjointement par et avec MyCertif en juillet 2023.
Après décision d’ajournement de notre dossier en novembre 2023 en raison de points de détails et de retours de candidats que nous avons pu fournir entretemps, reste le rejet en février 2024 en raison de la composition du jury. Il y a bien eu débat sur le sujet, preuve que notre dossier intéresse le jury de France Compétences… C’est à cette étape-là que nous avons décidé de faire appel à CFS+ rencontré lors des ateliers OCCONNECT, pour nous accompagner dans la phase finale sur ce point particulier en vue du dépôt du dossier complet d’ici fin mai 2024. Un regard et une stimulation extérieurs permet, à mon sens de garder confiance, car la tâche est ardue et chronophage. Cela aurait pu être un autre prestataire : la vie est faite de rencontres, n’est-ce-pas ?
Il suffit quelques fois d’un seul regard, d’une seule personne et la vie bascule. Il en va de même dans l’accompagnement de cocertificateurs pour redonner de l’énergie dans l’action.
Nous faisons part des aléas rencontrés dans le dépôt du dossier auprès de France Compétences aux OF partenaires en attente d’habilitation.
Nous les informons régulièrement du suivi pour les impliquer dans le processus et le moment venu, leur soumettre un beau dossier robuste. Et maintenant, croisons les doigts pour la suite de l’aventure ! Promis, je reviendrai vers vous pour un RETEX (Retour d’expérience).