La co-certification : retour d’expérience d’un responsable de certification

N’avez-vous jamais pensé à vous lancer dans la co-certification ?

Christophe Declercq, responsable de la certification pour l’ESCCI a eu la générosité de nous partager pour vous son expérience de la co-certification.

Si le partage d’expérience est toujours utile, on doit bien avouer que pour ce sujet, il devient plus que précieux. Car cette démarche intitulée « co-certification », même si elle est soutenue par France Compétences, peut paraitre aussi floue que vertigineuse.

Avouons nous d’abord les choses : se lancer dans un projet de certification comporte déjà des inconnus qui freinent plus d’un organisme de formation. Aujourd’hui, le monde de la formation commence à le comprendre : devenir organisme certificateur impose de développer une activité à part entière… Et comme toute nouvelle réalité, ceux qui ne l’ont pas encore intégrée seront amenés à l’apprendre par l’expérience…

Se lancer dans un projet de co-certification ajoute au carré un nombre d’inconnus qu’on imagine facilement immaîtrisables… Trouver un partenaire de certification n’est pas une mince affaire. Et pourtant, le jeu en vaut peut-être la chandelle.

Mais alors, après deux expériences récentes, comment Christophe Declercq perçoit aujourd’hui la co-certification ? Comme une chance ou un caillou dans la chaussure ? Voici son témoignage, qui nous l’espérons, vous éclairera davantage sur la question.

Bonne lecture.

Le contexte

« Je n’ai pas de position dogmatique sur le sujet de la co-certification : c’est toujours délicat de se lancer dans un exercice prospectif, mais je pense que le secteur de la formation s’oriente vers un nombre de plus en plus réduit de certifications. L’une des réponses est de penser son développement en termes de réseau pour avancer. C’est en cela que la co-certification a toute sa place. 

Au cours de l’année 2022, nous avons déposé deux demandes de renouvellement auprès de France Compétences, avec des succès – hélas – divers… Dans les deux cas, nous étions dans une démarche de co-certification. Il ne s’agit donc pas de dire que la co-certification est un déterminant majeur de la décision prise par France Compétences (positif ou négatif), mais plutôt faire le point sur les raisons de notre démarche et les points de vigilance que nous avons pu rencontrer. Dans les deux cas, les enseignements ont été riches ! Ils nous ont été très profitables !

En ce qui nous concerne, la démarche de co-certification est historique. Le rayonnement de notre organisme de formation s’étend essentiellement sur la région de Haute-Normandie, la Basse-Normandie et une partie de la région parisienne. Initialement, notre vocation était donc régionale et répondait d’ailleurs à des demandes provenant des entreprises industrielles du département. Au fil des années, nous avons observé que nos certifications touchaient en réalité l’ensemble du territoire français. Il nous fallait adopter une vision plus large, de manière à démontrer que le métier avait tout à fait la capacité d’obtenir une audience plus importante. Dans les deux dossiers de renouvellement, la co-certification était donc ancienne et il était assez logique de poursuivre l’aventure ensemble.

" les débats ont été riches et intenses ! "

En dépit des liens contractuels, nous ne nous connaissions pas beaucoup. Responsable de formation depuis 5 ans au moment de la démarche, j’avais eu assez peu de contacts avec mes homologues.  

C’est aussi dans un environnement différent de ce qui avait été fait auparavant que nous allions apprendre à nous connaitre et à nous transformer ensemble pour répondre aux nouvelles exigences formalisées par France Compétences. Le défi était de taille !

Nos échanges et débats ont été riches et intenses ! Sur le plan intellectuel, il nous fallait changer notre vision du processus de certification. Le point d’achoppement le plus délicat a été de transformer notre approche d’évaluation. Il nous fallait passer d’un modèle portant sur les connaissances à un modèle qui s’appuyait totalement sur l’évaluation des compétences. Il nous fallait admettre que le contrôle continu, tel que nous le pratiquions, était devenu largement obsolète, avoir le courage de déployer une approche de validation par bloc de compétences et faire adhérer nos étudiants !

En tant qu’êtres humains, nous avons tous tendance à aimer la stabilité. Aborder ensemble le changement nous a demandé d’avancer progressivement, l’un vers l’autre.

Dans un cas, cette démarche a été couronnée de succès. Notre vision de la certification était certes différente, mais nous avons pu construire un référentiel commun et déposer un dossier homogène répondant au cadre fixé par le législateur. La décision de France Compétences a récompensé nos efforts de convergence, car nous avons été renouvelés pour 5 ans. Je suis bien sûr conscient que ce seul facteur n’a pas emporté la décision de France Compétences !

Dans le second cas, le contexte était particulier. En effet, depuis la dernière obtention du titre, les deux organismes avaient choisi des stratégies de déploiement différentes. Le référentiel était évidemment le même, mais les divergences apparaissaient nettement lorsque nous rapprochions nos tableaux de placement et notre organisation pédagogique concrète. Pour chacun d’entre nous, il y avait des arguments organisationnels objectifs que nous avons mutuellement entendus. Nous sommes restés en bons termes, mais il était clairement compliqué de poursuivre ainsi. La décision de France compétences était multifactorielle, mais elle consolidait notre constat commun !

" Ne pas minimiser l'importance de la communication "

Le premier point que je retiens de cette double expérience est de ne pas minimiser l’importance de la communication. Elle ne peut pas s’arrêter au dispositif institutionnel mis en place dans le cadre contractuel et, mais doit se faire tout au long de la validité du titre, de façon formelle (retours d’expérience si nécessaire…), mais aussi informelle, en lien avec les équipes opérationnelles, dont le rôle est fondamental. Sur ce point, il faut toujours progresser.

Pour être plus concret, il est important que la communication puisse fonctionner sur trois niveaux :

Au niveau opérationnel, il s’agit d’être en permanence en relation sur les modalités d’évaluation, les contenus, etc. Nous n’aurons pas les mêmes réponses, mais se poser ensemble les questions et y réfléchir c’est enrichir considérablement nos démarches respectives et faciliter la convergence. Par exemple, nos échanges nous ont amenés à mutualiser la quasi-totalité de nos cours – tout en laissant une liberté pédagogique à nos enseignants – alors que ce n’était pas notre objectif initial.  

Au niveau stratégique, mettre en place un comité de pilotage tous les six mois me semble non seulement justifié, mais nécessaire (une fois en milieu de parcours et une autre fois au moment des jurys de certification par exemple). L’avantage d’en prévoir un à mi-parcours est de pouvoir anticiper les éventuelles modifications organisationnelles à envisager pour l’année suivante, sans être dans l’urgence.

Troisième dimension : l’implication de la Direction. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit toujours présente lors des sessions du comité de pilotage, mais son approbation est essentielle, pour tout projet bien sûr, mais encore plus dans le cadre d’une co-certification.

“Se faire accompagner par des experts apporte une très forte valeur ajoutée à un dossier de certification.”

Leurs connaissances très approfondies des exigences de France Compétences et leurs retours d’expérience nous permettent de creuser certaines problématiques qui pourraient nous sembler mineures ou complexes ; leur vision impartiale facilite les débats et les prises de décisions (qui relèvent toujours des auteurs du dossier, bien entendu !). J’insiste sur le caractère indispensable d’une telle présence, et davantage encore lorsqu’il est question d’une co-certification. C’est un gain de temps considérable d’avoir un ou une facilitateur/trice dans un contexte si complexe et avec de tels enjeux !

Constituer un patrimoine immatériel

En conclusion, travailler avec des établissements qui ont des visions complémentaires à la nôtre – parce qu’ils s’adressent à d’autres secteurs, parce qu’ils se situent dans une zone géographique très différente – permet d’obtenir un référentiel plus pertinent, plus fin, qui évite une vision trop biaisée par des considérations très régionales et/ou sectorielles. Si l’on veut que notre certification corresponde à un plus large territoire, il est nécessaire de confronter nos points de vue et de s’alimenter des réflexions menées par toutes les parties prenantes.

Pour se développer, il me paraît important de constituer et d’entretenir un patrimoine immatériel à travers des certifications en propre. Au sein de cette stratégie, la co-certification peut faire une réelle différence. Le nombre de certifications se réduit et il est important de penser son développement sous la forme d’un réseau, qui ne soit pas seulement constitué de partenaires (qui sont nécessaires pour le déploiement d’un titre et sa notoriété), mais également de co-certificateurs.

Il n’y a, dans cette dichotomie, aucune volonté de hiérarchisation des parties prenantes. La complémentarité co-certificateurs / partenaires se justifie souvent par des stratégies différentes et adaptées à des contextes spécifiques.  Et qu’il s’agisse de co-certification – synonyme de relation structurelle forte – ou de partenariat, nos titres sont plus riches et plus pertinents pour nos futurs certifiés, les entreprises qui nous font confiance et nous-mêmes. “